Incitation à la non-gestion ?

Imaginez

Imaginez un bateau naviguant dans l’immensité d’un océan.

Vous êtes à son bord, lancé.e dans un voyage que vous espérez long et agréable.
Capitaine toute puissante & tout puissant.

Les chiffres, c’est décidé, ce n’est pas votre truc.
La gestion ? Des chiffres, déguisés, mais des chiffres. Pourquoi s’encombrer de comptes laborieux comme ceux qui consisteraient à savoir pour combien de temps il reste de vivres, d’eau potable, de carburant ? Il se trouvera bien quelques îles, de ci de là, pour réapprovisionner le cas échéant. Votre étoile veille sur vous et votre embarcation. Vous pouvez vous consacrer entièrement au plaisir d’être là.

PACTE

Certaines fois, au nom d’une simplification absolue, on frise avec le simplisme.

PACTE, c’est le petit nom du Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises de janvier 2019 que le Gouvernement a fait voter en avril dans la loi du même nom.

Ce plan vise donc à simplifier la création d’entreprise en rendant notamment facultatif le Stage de préparation à l’installation. Stage jusqu’ici obligatoire quand on immatriculait une entreprise à la Chambre des Métiers.

Alors, au titre de l’égalité entre les commerçants, qui n’y sont pas soumis, et les artisans, ainsi qu’aux microentreprises exemptées, exit le stage. Stage qui, comme son nom ne l’indique pas, permet de décrypter les arcanes des obligations administratives des entreprises en matière légale et fiscale. Stage qui permet aussi d’acquérir quelques notions de gestion.

Il continue d’exister mais devient facultatif pour tout le monde.

L’argumentaire est de taille, environ 400 euros d’économie et 30 jours de gagné !

Je dis bravo, c’est de la simplification !

Vous pouvez continuer de naviguer, au gré des courants, des vents si vous avez prévu une voile, pour quand le réservoir en carburant sera vide… et peut-être une canne à pêche pour quand le stock de vivres sera épuisé. Simple précaution stratégique d’anticipation de tout bon entrepreneur, n’est-ce-pas ? Pour l’eau, il devrait pleuvoir un de ces jours. Tout va bien, profitez. Inutile de vous encombrer avec des inventaires.
Votre étoile veille, avec un peu de chance, vous pourrez naviguer longtemps. Ou pas. Vous n’en savez rien. Mais c’est bien, non ?

Et puis un jour, après avoir bien profité de votre bateau, après avoir navigué assez longtemps, après avoir travaillé beaucoup, vous constaterez que les réserves sont vides et vous ne comprendrez pas pourquoi. Vous ne comprendrez pas comment cela a pu arriver, comment cela est possible.

Alors vous vous souviendrez peut-être, qu’au départ, au moment d’embarquer, vous avez choisi de partir 30 jours plus vite et d’économiser 400 euros. Mais il sera trop tard pour revenir en arrière car vous n’aurez plus assez de ressources pour le faire. Et vous ne saurez même pas comment vous en êtes arrivé.e là.

Incitation à la non-gestion

Cette mesure de simplification est une incitation à la non-gestion, purement et simplement !

C’est une mesure démagogique. Car, aussi bizarre que cela puisse paraître, ils sont nombreux les entrepreneurs fâchés avec les chiffres qui préfèrent se consacrer à autre chose. Qui délèguent quelques écritures à un expert-comptable quand ils en ont un, partant du principe que leur métier ce n’est pas d’être gestionnaire.

Chacun est libre de faire comme il veut. La loi le dit aussi. La gestion devient facultative !

Jusqu’ici ce stage était obligatoire pour les artisans, hors microentreprises. Pour les autres je suis régulièrement confrontée à des entrepreneur.e.s qui n’aiment pas les chiffres, qui ne tiennent pas leurs comptes. Des entrepreneur.e.s qui n’ont pas, ou peu, de notions de gestion et ne comprennent pas pourquoi, malgré tous leurs efforts, ils ont plus l’impression de subir que de diriger.

Nous reprenons les bases ensemble, je leur transmets les fondamentaux indispensables au bon fonctionnement de toute entreprise, et plus encore, afin qu’ils puissent profiter pleinement de leur aventure entrepreneuriale.

Ce qui est bien avec cette nouvelle loi, c’est que je vais rencontrer de plus en plus d’entrepreneurs dérivant au gré des courants et qui auront besoin de mes services. Je vous jure que je n’ai exercé aucun lobbying quel qu’il soit pour en arriver là.

Et dans votre entreprise, c’est comment ? Maîtrisez-vous la gestion ou avez-vous définitivement exclu les chiffres de votre horizon ?
On en parle ?