Certaines expériences sont plus que des leçons pour entreprendre mieux, ce sont des leçons de vie. Pourtant, il nous arrive de ne pas y prêter attention. Elles sont si incongrues, à contre-courant de tout ce que nous avons toujours entendu.
Quand j’ai commencé à travailler à la création de ma première entreprise et que j’en parlais un peu autour de moi, presque tous mes interlocuteurs avaient deux réactions simultanées.
La première me surprenait. Un éclat s’allumait dans leurs yeux, un éclat de gourmandise, d’envie et de peur à la fois, qui semblait dire « super, bravo, j’en ai très envie aussi… jamais je n’oserai… ».
La deuxième réaction me choquait. On me souhaitait « Bon courage ! »
Bon courage !
Bon courage pour quoi ? Je réalisais enfin ce que j’avais toujours souhaité faire. J’avais le sourire du matin au soir, et même la nuit. J’allais de découvertes en découvertes. Je transformais mes rêves en réalité. Faut-il du courage pour cela ?
En lisant la gourmandise dans leurs yeux, il me semblait qu’eux avaient besoin de courage pour continuer à (sur)vivre à ce qui ressemblait à une effroyable routine sclérosante, loin de tout attrait.
Ils ont persisté dans leur vie. Et moi dans la mienne.
On a continué à me souhaiter bon courage, presque tous les jours. A chaque fois j’ai éprouvé le même décalage, la même dissonance. Pour moi ça allait bien. Très bien même. Je vous fais un aveu : c’était facile, très facile.
Étrange tout de même. Quand on parle de création d’entreprises, on parle de difficulté, jamais de facilité.
Par exemple, je voulais des matières premières spécifiques que personne n’avait encore utilisées en France. Je les ai trouvées. Pour mieux gérer la trésorerie au départ, j’ai demandé des délais de paiement aux fournisseurs. Alors que l’entreprise n’existait pas encore légalement, je les ai obtenus. Je suis allée voir plusieurs banques pour leur demander leurs conseils sur la gestion de trésorerie. Toutes m’ont ouvert les bras en grand et m’ont proposé des crédits que je ne demandais pas, sans exigence de garantie en retour. J’ai voulu fabriquer en France. On m’a dit qu’il n’y avait plus de façonniers, que le métier était perdu. J’ai trouvé des ateliers de qualité. Etc. Les étapes se succédaient, avec leur lot d’imprévus, certes, mais l’ensemble était fluide.
Alors bon courage !
Le pouvoir des mots est infini. Quand à longueur de temps on entend que créer une entreprise c’est difficile, quand à longueur de temps on nous souhaite bon courage, et quand pour soi c’est facile… il arrive un moment où il devient raisonnable de penser que c’est anormal. Cela ne devrait pas être facile. On me l’a assez répété. D’ailleurs, je l’avais entendu toute ma vie. Ce serait dur, très dur. Il faudrait se battre, beaucoup, jusqu’au bout.
La place du doute
Le doute est un précieux indicateur qui favorise la remise en question. C’est aussi un poison capable de tout réduire à néant. La frontière est ténue. Le point de bascule varie en fonction de l’optimisme, de l’enthousiasme, de l’estime de soi.
J’ai souvent repensé à cette époque pour tenter de comprendre ce qui avait cloché. Comment étais-je passée de l’euphorie de tout est facile au désespoir de rien ne fonctionnera jamais ? Cette entreprise, dans laquelle j’ai mis tant d’espoirs et d’énergie n’a pas évolué comme je l’avais imaginé. J’ai rejoué le scénario de nombreuses fois pour comprendre ce que j’avais raté. Tout est toujours perfectible. Pourtant, avec le recul et l’expérience que j’ai aujourd’hui, jusqu’au point de bascule, je n’aurais pas fait différemment. Au moment où j’ai cru que cela devait être difficile, que je devais me battre, le doute s’est transformé en poison. Alors là oui, j’ai mené mon entreprise à sa fin, avec beaucoup de facilité d’ailleurs.
C’est une période pendant laquelle il m’a fallu beaucoup de courage. Je suis allée vaillamment au combat, contre moi-même, pour donner raison à tous ceux qui prédisaient les difficultés.
Toujours malin celui qui sait dire comment il aurait fallu faire avant, une fois que c’est terminé. Alors je ne sais pas s’il aurait pu en être autrement si j’étais restée dans ma facilité. Ce dont je suis certaine, c’est tout ce que cela m’a permis de comprendre sur les subtilités de l’entrepreneuriat, sur l’indispensable cohérence entre le dirigeant et son entreprise.
Nous n’apprenons pas de chaque leçon que nous recevons. Surtout quand on est têtu comme je le suis.
En débutant mon activité de conseil, je pensais avoir tout appris, tout retenu. Je vais d’ailleurs être plus précise. Je n’ai pas débuté mon activité de conseil. Ce sont les entrepreneurs qui sont venus à moi et m’ont transformée de fait en consultante. Je pourrai presque parler du paroxysme de la facilité. Avoir des clients sans avoir réfléchi une seconde à ce que je pouvais leur vendre.
Tout aurait pu être si simple. Il suffisait de se laisser aller. Mais non. J’avais accepté et intégré que c’était difficile. En écrivant ces lignes, je réalise que jamais dans ma vie professionnelle auparavant cela n’avait été difficile. Tout s’était toujours enchainé simplement et facilement, quand je le décidais. Les seules limites que j’avais eu étaient celles que j’avais déterminées moi-même, de façon consciente ou non. Le « bon courage » a eu raison de moi et a changé la donne.
Alors j’ai fait en sorte que cela soit compliqué d’être consultante, difficile. J’ai eu de bonnes périodes, d’autres nettement moins fastes. Et surtout, j’ai lutté, de toutes mes forces. Jusqu’à un douloureux épisode qui peu à peu m’a mise à terre pour que j’entende la leçon, enfin !
S’il te faut du courage…
Du courage il en faut ! Oui, il en faut pour s’entendre dire à longueur de temps « allez, courage ! » « bon courage ! », « bon courage quand même ! »,…
Philippe Bloch a écrit un Lexique anti-déprime dans lequel il passe en revue toutes ces expressions empoisonnées. En plus d’être drôle, il permet de prendre conscience du vocabulaire réducteur utilisé à longueur de temps.
Quand je l’ai lu, cela faisait écho avec ce que j’avais vécu. Pourtant, je n’étais pas encore à terre, je n’avais pas encore compris toute la portée de ces messages.
Il y a encore un an, il m’est arrivé de dire à des clients qu’il leur fallait parfois réaliser des tâches qui leur plaisaient moins. Est-ce que j’employais le mot de courage ? Je ne crois pas. Mais « il faut », « vous devez », oui, souvent.
Dans une entreprise, il y a toujours des moments avec des obligations. Au minimum tenir sa comptabilité, parce que c’est une obligation légale, indispensable pour une bonne gestion. Mais quand on n’aime vraiment pas ça, inutile d’avoir du courage, on peut toujours déléguer.
Plus j’expérimente, plus je suis persuadée que d’avoir du courage n’est pas une bonne option pour installer et diriger une entreprise. Quand tout devient contraint, quand on en arrive à tout faire sans plaisir, quand on a besoin de courage pour se mettre au travail, alors il est temps d’arrêter.
A la tête de son entreprise, il faut avoir de l’audace, de l’envie, du plaisir, de l’enthousiasme, pas du courage. Et quand il y a des salariés, cette notion de courage au travail est encore plus importante. Comment peut-on motiver ses collaborateurs quand il est pour soi déplaisant de venir travailler ?
Pour le mot courage, on lit notamment dans le Larousse « force de caractère qui permet d’affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles ».
Je crois que tout est résumé dans cette définition. Comment peut-on continuer à gaspiller son énergie à affronter le danger et la souffrance au lieu de créer de la valeur pour ses clients, son entreprise et pour soi ?
Avant de fermer ta boîte…
Avant de mettre son entreprise en liquidation, il peut être intéressant de se mettre à l’écoute de soi, de ses ressentis.
- Quand éprouve-t-on de la joie ?
- Qu’est-ce qui rend heureux dans le travail ?
- Peut-on identifier tout ce qu’on n’aime pas ?
- Peut-on déléguer ou supprimer tout ce qui demande du courage ?
Si les réponses sont jamais, rien, tout et non, alors je crois qu’il est urgent d’envisager son entreprise autrement.
Parce que le secret, c’est que cela devrait être facile. Il suffit de le décider, de le choisir. Le courage n’est que diversion.
Depuis 2011, j’explore, j’étudie, j’analyse, j’imagine comment faire autrement, comment créer de l’équilibre et du respect dans le fonctionnement de toute entreprise.
Vous êtes à la tête d’une entreprise que vous avez créée, ou reprise, ou dont vous avez hérité.
Vous avez l’impression de ne gérer que des problèmes et vous n’en voyez pas le bout.
Puisque vous lisez ces lignes, c’est certainement le bon moment pour vous de vous demander «pourquoi» .
D’ailleurs, « pourquoi » est une de mes deux questions préférées. L’autre c’est « comment ».
Pour vous accompagner, je propose des audits d’entreprises et des accompagnements, axés sur la libération de la connaissance dans l’organisation, comme outil pour induire de la confiance, de la créativité et ainsi favoriser une évolution harmonieuse de l’entreprise.
A la clé pour vous :
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- – Des leviers de création
- – La motivation des équipes
- – Et vous qui pouvez vous concentrer sur votre vision , agir en dirigeant d’entreprise et non plus en simple gestionnaire.